BAYLE François, 1932 – Tamatave.
François Bayle est né en 1932 à Madagascar, enfance dans la brousse et à Mayotte, l’une des îles Comores, Lycée à Tananarive. C’est dans la France d’après guerre (1945) à Bordeaux qu’il vient terminer ses études, puis s’installer à Paris (1954) où il abordera sérieusement mais en autodidacte la composition musicale.
Engagé presque dès le départ dans l’aventure de la musique concrète auprès de P.Schaeffer dont il devient un collaborateur très proche, il assume dès 1966 la responsabilité du Groupe de Recherches Musicales – le GRM, qu’il renouvellera considérablement et qu’il dirigera de 1975 à 97 au sein de l’INA, en relation avec Radio-France et l’institution musicale nationale et internationale.
Cette activité d’animateur va le conduire à conjuguer sous bien des formes création et recherche, pratique et théorie, outils du faire et de l’entendre.
Au fil des decennies et des étapes technologiques vont se développer les résultats collectifs et s’affirmer sa propre production de création. Celle-ci tout en restant fidèle à l’attitude concrète en renouvelle les sonorités et le langage par une autre approche.
Dès 1974 il se préoccupe de la théoriser, d’abord en imaginant un dispositif original de projection sonore généralisable à toutes les esthétiques : « l’acousmonium », formule dont l’efficacité s’apparente à ses yeux au principe du déploiement « symphonique », avec les infinies solutions formelles qui en découlent. Il en résultera sous sa direction un Cycle de concerts – dont cette saison marque la 24ème année – où auront été créées près d’un millier d’œuvres de plusieurs centaines d’auteurs invités.
Comme compositeur il cherchera a approfondir la modalité – qu’il nomme « acousmatique » – d’une nouvelle approche musicale, celle de la pensée perceptive conduite par les formes et fondée sur les archétypes. Cette interprétation du monde des sons autonomes se nourrit nécessairement de la réflexion temporelle des poètes ou des philosophes « naturalistes »(1), comme du point de vue spatial des « visualistes »(2) , peintres ou cinéastes. Toutefois ces considérations ne sont avancées par leur auteur que pour ouvrir ou guider l’écoute parmi la grande variété de ses œuvres fort diverses par leurs effectifs sonores, formes et durées, textures et figures, espaces et mouvements.
Mis à part les premières années (1963 à 69) où les œuvres sont encore instrumentales – destinées moins souvent au concert qu’écrites pour le microphone, compositions sonores pour des films d’animation de P. Kamler, R. Lapoujade – la production de F.B se réalise exclusivement en studio « pour sons projetés ».
Sa première œuvre affirmée, Espaces Inhabitables (1967 – n°26 de son répertoire) connaîtra un succès immédiat au concert et au disque, en chorégraphie et à la TV. Dans une écriture proche, Jeîta ou murmure des eaux (1970 – n°42), une composition à partir des images sonores d’une grotte au Liban. Cette première époque de production sera aussi celle d’un projet aux dimensions utopiques, l’Expérience Acoustique (1969-72 – n°41 à 52) en cinq chapitres et 14 pièces qui explorent les dimensions objectives et subjectives de l’écoute. Tandis que le Purgatoire de la Divine Comédie (précédé de l’Enfer de B. Parmegiani) en avive la dimension pathétique (1972 – n°50).
Les années 70, si riches d’auteurs et d’œuvres au croisement des techniques analogiques et numériques, seront pour F.B. celles du renouvellement total de la forme et de sa projection en concert acousmatique. Vibrations composées (1973 – n°57), Grande Polyphonie (1974 – n°62), Camera oscura (1976 – n° 64), Tremblement de terre très doux (1978 – n°66), ces œuvres présentent l’originalité d’organiser les trajets et les durées en processus et en registres découpés et variés, comparables en invention sonore à celle des formes d’écriture instrumentale (en duo, quatuor, à cordes ou à vents, pour percussions ou pour la masse symphonique).
Mais aux catégories traditionnelles vient s’ajouter ici la dimension de profondeur et de mobilité spatiale par laquelle F.B. cherche à renouveler la perspective d’écoute et accéder à une capacité perceptive multisensorielle. D’où le caractère dynamique de son vocabulaire sonore (montage cut, célérité extrême des figures, hétérophonie des mix, harmonies colorées, élargissement spectral vers l’aigu…)
Des années 80 jusqu’à ce jour son répertoire s’accroît d’œuvres utilisant de plus en plus les ressources audionumériques et multiphoniques, impliquant toujours davantage l’écoute du mouvement et de ses figures.
Les « utopies » se poursuivent – ces œuvres en forme de Suites dont la large durée engage à une immersion complète qui transforme la perception habituelle.
Ainsi Erosphère : 1. la fin du bruit, 2. tremblement de terre très doux, 3. toupie dans le ciel (1980 – n°66 à 70), Son Vitesse-Lumière : 1. grandeur nature, 2. paysage, personnage, nuage, 3. voyage au centre de la tête, 4. le sommeil d’Euclide, 5. lumière ralentie (1981-83 – n°73 à 78), Fabulae : 1. fabula, 2. onoma, 3.nota, 4. sonora (1990-91 – n°85) et plus récemment, en octophonie, les cinq moments de La forme du temps est un cercle : 1. concrescence, 2. si loin, si proche…, 3. tempi, 4. allures, 5. cercles (1998-2001 – n°91 à 93), les deux parties de La forme de l’esprit est un papillon : ombrages et trouées, couleurs inventées (2002-04 – n°94-95), Extra-ordinaire, pour le centenaire Jules Verne (2005 – n°75 b-97), Déplacements : 1/horizontal-vertical, 2/spiral, 3/diagonal (2011-12 – n°99).
En alternance viennent des œuvres « à thème », s’attachant à une dimension morphologique particulière, ressort d’un fantasme d’écoute, ainsi : Les Couleurs de la nuit (1982 – n°75), Motion-émotion (1985 – n°80), Théâtre d’ombres (1988 – n°83), et en octophonie La main vide (1992-95 – n°86), Morceaux de ciels (1997 – n°89), Univers nerveux (2004-05 – n°96), Rien n’est réel (2010-11 – n°98), Opus 100 ou Deviner-devenir /1 (2013 – n°100) et Opus 101 ou Deviner-devenir /2 (2014 – n°101).
Outre certains mouvements détachés des suites (par exemple chacune des Fabulae), apparaissent aussi les formes brèves conçues comme telles : Mimaméta (1989 – n°84), Arc, pour G.Grisey (1996 – n°88), ou encore l’Infini du bruit (1980-97 – n°69-b), Jeîta-retour (1970-97 – n°42-b), Figures sans origine (2014-15 – n°102) , actuellement en préparation.
En exergue de Tremblement de terre très doux, on peut lire ceci, qui pourrait s’appliquer à toute la production de F.B. : les propriétés souterraines de l’écoute bousculent doucement les idées.
Depuis 1990, François Bayle a créé son propre atelier audionumérique et multiphonique : le studio et label Magison. Quittant le GRM en 1997, il se consacre désormais complètement à la recherche, l’écriture et la composition.
Parmi les distinctions, le Grand Prix Musique de la Ville de Paris 1996, le Grand Prix de l’Académie Charles Cros 1999 pour l’ensemble de l’œuvre, le Grand Prix Del Duca 2007 de l’Institut de France, le Prix de la Fondation Honegger 2010.
Commandeur des Arts et Lettres (1986) – Chevalier de la Légion d’Honneur (1991) – Officier dans l’Ordre national du Mérite (1997).
- Goethe, Bachelard, Merleau-Ponty, Peirce, Whitehead, ou plus près R.Thom, G.Deleuze, B.Stiegler.
- L de Vinci, Klee, Bacon, Rothko, et W.Wenders, D.Lynch…
Ecrits
- Le monde sonore / The sound world of / Die Klangwelt des / François Bayle, Christoph von Blumröder, Marcus Erbe ed.,ouvrage trilingue français/anglais/allemand, avec Cd-Rom d’exemples et d’acousmographies, Verlag des Apfel – Wien, 2013.
- L’Image de son / Klangbilder, Christoph Von Blumröder, Imke Misch ed., ouvrage bilingue français/allemand, avec CD d’exemples, Lit Verlag – Munster, 2003, réédition augmentée 2007.
- F. Bayle, portrait polychrome, Évelyne Gayou ed, InaGrm-M. de Maule – Paris, 2003, réédition augmentée 2007.
- F. Bayle, parcours d’un compositeur, Michel Chion, Annette Vande Gorne ed, Lien – Ohain, 1994.
- Musique acousmatique, propositions… positions, François Delalande ed., Buchet/Chastel – Paris, 1993.
Articles dans des ouvrages collectifs, notamment in :
- L’Espace : Musique/Philosophie, par Jean-Marc Chouvel et Makis Solomos, L’Harmattan, 1998.
- Ouïr, par François Delalande, Buchet/Chastel,1999.
- Le Son des Musiques, par François Delalande – Buchet/Chastel, 2001.
CD
- Cycle Bayle – volumes 1 à 18 – Distribution Ina / electrocd / Metamkine
le label Magison édite la plupart des titres. - François Bayle, 50 ans d’acousmatique – Un Coffret 15 Cd – livret bilingue français/anglais, InaGrm 2013.
voir aussi
- in Larousse de la Musique – bio F.B. par Michel Chion – Larousse -Paris, 1982
- in The New Grove Dictionary of Music – bio F.B. par Francis Dhomont – Macmillan – London, 2000
- in La Musique du XXe siècle – bio F.B. par J.N. von der Weid – Hachette -Paris 1999, rééd. 2005